Bon, voici un essai de chronique. Je dis essai, car vu que je suis dedans, c'est très subjectif et pas impartial. Mais qui a dit qu'on devait être partial... Voilà, c'est rédigé à froid, si y'a des choses importantes dont vous vous rappelez que vous aimeriez voir dans ce texte, dites le moi, je rajouterai avec finesse!
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Les durs niquent Béa
chronique:
Ruiner+Counting The Days, Chanteix, mardi 2 septembre
On va aller direct à l'essentiel, les préliminaires c'est toujours chiant.
Counting The Days entre dans le décor minimaliste de la boite en zinc. Pas de scène (pourquoi les « artistes » seraient plus hauts que les autres?), un fond noir, du parquet, une moquette... le public était aussi minimaliste que le décor, une trentaine de personnes étaient venues d'on ne sait où.
Le batteur se pose sur son siège, et commence à s'échauffer les poignets, on sent que ca va cogner dur... Les lampes chauffent, les jambes sautillent nerveusement, la basse nous traverse le corps, voici les prémisses d'un linecheck qui laissent entrevoir quelques acouphènes de bonheur. Le sourire béat sur les têtes spectatrices en atteste.
C'est parti, le set est lancé. Inutile de dire que ca joue vite et fort. Un hardcore assez rugueux, virulent, qui joue sur les variations de tempos plus que sur les mélodies. La recette est efficace, bien que parfois un peu redondante. La voix du chanteur est très hargneuse, les chansons s'enchaînent sans blanc, voilà un set super pêchu, compact et intense. Les discours entre les chansons sont très succins, pour ne pas laisser tomber l'énergie. La lucidité qui transparaît des quelques mots compréhensibles sur le sens d'une société individualiste dont il reste encore à apprécier certains engagements personnels, charme la salle.
Jason, le guitariste, expliquait avant de monter sur scène le plaisir pour lui de jouer dans un « country side » vierge de tout passé hardcore. Il sentait là une percée D.I.Y dont il était un des premiers acteurs. La situation est malgré tout surréaliste. Chanteix ville de 500 habitants située au milieu de la diagonale du vide accueille ce soir un groupe américain habitué au mosh pit, au sing along de la foule, aux lieux alternatifs du Maryland...
L'ambiance légère et le public joueur, permettent au groupe de sentir assez à l'aise apparemment. L'énergie délivrée en toute circonstance lors de ce set habituellement très court, est manifestement la même devant 10 personnes ou 200, avec 5 concerts ou 100 dans les pattes. La plaisir de jouer est là, voilà qui nous ravît. Le set se finit par une reprise d'un tube disco dont je ne connais l'auteur. Un grand fan de varieté mainstream égaré à Chanteix ce soir là me l'a pourtant dit, mais j'ai largement oublié! Bref, juste de quoi faire un peu d'humour, avant de laisser la place à Ruiner, comme si ça allait moins rigoler après!
Un temps de pause est respecté au changement de plateau, car Joey, le batteur qui a joué comme un sourd pendant 30 minutes (ce qui n'enlève rien à sa technique super efficace et précise), rejoue à nouveau avec Ruiner. Il en est de même pour le bassiste Steve et Dustin le gratteux. Donc le repos est de rigueur.
On aurait pu se dire que ca allait sonner relativement de la même façon. Même matos, quasi les mêmes gens, on s'attendait à un counting the days bis. Il n'en fut rien. Le batteur prend une toute autre dimension dans Ruiner. Plus fin, plus subtile. Les lignes de basses se veulent beaucoup plus planantes, les guitares plus mélodiques, plus travaillées. Étonnamment, avec les mêmes ingrédients, Ruiner s'envole. Bien sûr, il va sans dire que Rob le chanteur est devant, sans égal. Un jeu de scène propre à lui, loin des pseudo gimmicks du hardcore NYHC. Mais plus que ça, il a une émotion dans la voix majestueuse. Un timbre à la fois arrachée très puissant, et des variations plus aigües, pleurées, tragiques. Le feeling qui passe avec lui est réellement unique. La salle est largement sensible aux mélodies travaillées des grattes et aux montées en puissance instrumentales envoûtantes. La création de Ruiner sort largement du lot car les d-beat n'y sont pas récurrents, l'énergie ne se perd pas dans son trop plein. Ils jouent pourtant sur le terrain de Verse, de Champion, de Go It Alone, que tant de groupe hardcore straight edge immitent pâlement. Ruiner sort de ces frontières, à la manière d'un Moderne Life is War, pour créer leur propre univers. Les titres joués sont tirés principalement de leur deux derniers albums Prepare to be let down, et I heard this dudes are assholes. Les textes très personnels, relatent avec poésie des expériences de vie et des amitiés déchirées. Voilà pourquoi Rob, toutes les trois chansons prend le temps d'aborder ces thèmes, et s'étend sur ce qui fait le fond de Ruiner. Tout en marchand frénétiquement de long en large à travers la scène, avec la pression des amplis prêts à exploser, il explique pourquoi ce que nous faisons dans la vie, nous le faisons pour nous mêmes, il communique son plaisir de partager ce qui lui vient des tripes, tout en refusant toute vénération démagogique de sa création.
Rob a passé discrètement sa journée, peu de mots, peu de gestes, sûrement un moyen efficace de conserver toute sa vitalité pour le set du soir. Il s'économise. Sur scène il sera beaucoup plus expansif. Une prestation réussie.
Chaque chanson fait mouche, et le public novice est conquis. Les spectateurs ne sont plus devant, ils sont dedans.
Jason, le guitariste de Counting the days fait une apparition au chant, non sans une certaine jubilation pour lui! La mayonnaise prend. Une partie des habitués du hardcore limogeaud qui avaient fait le déplacement se laissent aller à quelques mosh. Finalement les gimmicks n'étaient pas si loin! Merci à eux d'avoir fait le déplacement.
Après avoir fini le set par le fabuleux « adhering to superstition », ils reviennent rappelés, pour le traditionnel « kiss that good night mother fucker ». Voilà un set réussi, comme à Toulouse la semaine d'avant chez les Toulouse hardcore Show et autre To Loose punkers, sûrement comme le lendemains au squat des Tanneries à Dijon. Ruiner sait si bien mélanger la force du hardcore punk à la NYHC, avec une atmosphère propre à lui, tragique et émouvante, le souvenir de cette soirée, à l'image de celle du concert de Bane à Toulouse un an au paravent, est ineffaçable.
L'asso soup'n'noise compte bien réitérer le concept, dans un D.I.Y myope, qui se dirigera vers tous les horizons sans être regardant du contexte. Un mardi de rentré, dans une commune rurale, avec deux groupes US à l'affiche, voilà qui fait partie de ces myopies irrationnelles qui finalement prennent vie dès qu'on y met la passion.